Nadine Capircio
Le syndrome de la page blanche
Dernière mise à jour : 12 avr.

Ce syndrome, ou vertige, est également désigné par un terme très savant que divulgue Wikipédia !
Il s’agirait donc d’un "trouble psychique qui taraude l’écrivain (ou l’artiste) en mal de perfection…"
Qui n’a jamais été confronté à un trou noir, à une sensation de vide devant une feuille terriblement, désastreusement blanche, ou encore à un blocage pur et simple qui nous délite et nous enlève toute confiance, toute motivation, au point de ne pas commencer, ou poursuivre, un écrit, une œuvre ?
Est-ce lié essentiellement à soi ou plutôt au contexte sociétal ? Parlons ainsi du fameux coronavirus et du confinement récent qui, provoquant un mal-être, auraient pu déclencher de tels symptômes.
Il semblerait que la pandémie Covid-19 ait au contraire stimulé notre organe de créativité ! Je confirme en tant que prestataire littéraire auprès de Maisons d’édition. J’ai eu effectivement entre les mains beaucoup plus de manuscrits, en particulier des romans autobiographiques et des témoignages. Les uns avaient besoin d’extérioriser leur mal-être, les autres de se prouver qu’ils existaient à travers leurs écrits. Quoi qu’il en soit, chacun éprouvait l’envie de prendre un certain recul et de s’échapper du triste quotidien. Alors ? Qu’en est-il dudit symptôme qui nous ronge de l’intérieur ? Pour l’avoir à mon tour expérimenté (mais oui, puisque je m’aventure à écrire aussi !), je confirme qu’il est bel et bien lié à une sorte d’éclatement, d’explosion de soi, un éparpillement de ses pensées, une diffusion sourde et perverse de l’angoisse mentale. L’émotion prend le dessus et nous voilà bel et bien face à nous-mêmes ! La preuve en est que je suis parvenue à composer un poème à ce propos lorsque la quiétude a repris son chemin dans mon esprit…
Ma conclusion donc : donner du temps au temps, lâcher prise car rien ne vaut un mental serein pour mieux transposer ses idées dans un phrasé fluide et percutant.
Pour aller un peu plus loin dans mon enquête, j’ai demandé à quelques auteurs de parler de leur expérience. Certains font face à ce trou noir, d’autres au contraire sont si prolifiques qu’ils en arrivent à perdre le fil conducteur, y laissant leur énergie. Je les cite avec leur accord.

LES AUTEURS TÉMOIGNENT…
« Se retrouver devant une page blanche et ne pas savoir quoi y inscrire est frustrant mais aussi
très compliqué à gérer, surtout lorsque cela persiste. Voici donc quelques conseils :
Lorsque l’on arrive devant sa page, il faut faire le vide total autour de soi et se donner un
créneau de temps pour écrire. Pour ma part, je mets de la musique relaxante ou de la musique
qui m’apaise. Ainsi, mon imagination se libère plus facilement
Si le syndrome persiste au bout d’une demi-heure, il ne sert à rien de poursuivre la tâche, cela
ne ferait que renforcer le problème. Parfois, il suffit de laisser reposer son esprit 1 heure ou 2.
Quelquefois, il faut attendre un peu plus, voir le lendemain pour reprendre le projet et laisser
son esprit vagabonder.
En général, le syndrome ne dure pas mais il faut rester concentré sur le bonheur d’écrire mais
également d’apprécier le moment où l’on écrit enfin le mot « fin » de son roman. »
Christine REVERRET (Le Secret de Clara).
« Verre trop plein, vers tremplin, mes idées rebondissent partout et de travers.
J'ai tant de choses à dire, je suis boulimique de maux.
Ma difficulté est de canaliser toutes ces pensées qui se diffusent et aussi de les traduire.
Parfois, mes lignes dépassent les feuilles, car quand j'ai terminé un écrit, d'autres mots veulent
encore se greffer.
Je me renouvelle sans cesse....
Je me recycle dans de nouvelles feuilles blanches pour quelques secondes .... »
Angélique LEROY (La Marianne Joconde).
« Je connais actuellement ce syndrome. Comment réagir à la page blanche qui ne se
noircit pas de mots ?
Face à la page blanche, j’ai décidé de prendre du recul et d’écrire la suite de mon témoignage
lorsque mon esprit sera apaisé. N’est-ce pas le seul remède à ce syndrome ?! En me vidant
l’esprit, je pense que je serai plus efficace. »
Marry YOHSON (Enfermé depuis tout petit).
" En écrivant mon livre je n'ai eu aucun blanc étant donné que c'est une
autobiographie. Les mots défilaient dans mes pensées et mes doigts ne tapaient pas assez vite.
Par contre, mon prochain livre va très certainement m'occasionner des blancs. D'ailleurs, il me
fait déjà cogiter la nuit, avant même de l'avoir commencé. Mon premier livre, je l'ai écrit en moins de 6
mois, le prochain risque de me prendre plus de temps, mais le principal c'est d'y parvenir."
Aline JOURDAINNE (Pas de Douce Heure).

La page blanche
Lorsque je relis sur ma feuille les mots
Qui, hier encor, glissaient en doux vibrato
Je les trouve puissants, intrépides et beaux
Telle une âme voguant tout là-haut
Silence ! Entre mes doigts file le temps
S’envolent ma folie, l’inspiration dans le vent
Blanche est la page, inerte mon élan
Je vacille et trébuche sous le vide mordant
Idées sombres ou page moribonde
Mon esprit dissipé avec aisance vagabonde
Et tandis que l’heure noire gronde
Dans l’ombre déferle la vague furibonde
Ô ma muse ! Ô mon émoi ! Ô ma joie !
Venez, je vous prie, résonner en moi
Mains et lèvres sublimées par la foi
Je guiderai ainsi mes pas vers l’enivrante voie
(5 février 2023)
Recueil Vagabondage

Article par Nadine Capircio,
Correctrice et rédactrice